Bakou, Azerbaïdjan, 24 November 2024:
La COP29 s’est achevée aujourd’hui aux premières heures de la matinée, la présidence ayant imposé un accord sur un nouvel objectif collectif quantifié (NOCQ), ce qui a suscité de vives critiques de la part des pays en première ligne du changement climatique et de la société civile. Au milieu des tentatives d’effacer des textes de décision l’engagement de la COP28 à abandonner les énergies fossiles, d’autres négociations sur la transition juste et sur la mise en œuvre du bilan global ont été reportées.
« L’accord sur le financement climatique conclu aujourd’hui à Bakou est comme un pansement sur une blessure par balle, » a déclaré Caroline Brouillette, directrice exécutive, Réseau action climat Canada. « Le fait qu’il s’agisse d’un pansement plus gros que ceux que nous avons vus auparavant offre peu de réconfort alors que le monde saigne plus que jamais. La crise climatique touche les populations ici et maintenant ; une vague promesse de réalisation d’ici 2035 est une insulte à ceux qui ont déjà perdu leur maison, leur santé et leurs moyens de subsistance.
« Il n’y a pas d’autre façon de le dire : cette COP était vraiment nulle. Il y a eu des violations flagrantes du processus ici à Bakou. L’adoption précipitée de l’objectif de financement climatique sans permettre aux pays de s’exprimer est scandaleux. En outre, les négociations sur le programme de travail pour une transition juste ont complètement disparu. Cette perte de progrès est une gifle pour les travailleurs, les communautés et les peuples.
« L’échec de la COP29 a plusieurs coupables: les pays du Nord qui traînent les pieds, une présidence obstructive, le lobby des énergies fossiles. Mais il y a aussi des héros, avec les pays les plus vulnérables et les peuples autochtones qui mènent la charge pour la justice et la société civile qui reste forte malgré de sévères restrictions. À un moment où le multilatéralisme est plus fragile que jamais, mais plus important que jamais, nous continuerons à nous battre à chaque étape pour notre avenir collectif. »
« Nous avons toujours su qu’il serait difficile d’obtenir des pays du Nord qu’ils s’engagent sur un montant correspondant aux besoins du Sud, même si l’argent est là, » a ajouté Soomin Han, Analyste politique, finance climatique au Réseau action climat. « Mais il est pénible de voir se répéter les erreurs de l’objectif des 100 milliards de dollars, sans que l’on sache clairement ce qui relèvera du financement public ou privé, des subventions ou des prêts, de l’atténuation ou de l’adaptation ou les pertes et préjudices.
« Alors que nous allons de Bakou à Belém pour la COP30 afin de mobiliser au moins 1,3 mille milliards de dollars par an d’ici 2035, il est particulièrement important que les fondations soient solides pour fournir un financement aux pays en développement par le biais de subventions publiques et d’instruments qui n’induisent pas de dette, et pour prendre une mesure ambitieuse en prévision de l’examen de l’objectif en 2030. »
Cette COP s’est déroulée au cours de l’année la plus chaude jamais enregistrée et dans un contexte d’impacts climatiques désastreux au Canada et dans le monde entier, les pays les moins responsables des changements climatiques en subissant les pires effets. Malgré l’urgence, et bien qu’ils aient eu des décennies pour se ressaisir, les pays du Nord se sont présentés à cette « COP financière » avec des propositions inégales et peu claires sur la manière dont ils paieraient leur dette climatique, et avec une mauvaise coordination avec leurs propres ministères des finances. Si la présidence de la COP29 mérite d’être critiquée pour sa gestion du processus, ce sont les pays riches qui sont à blâmer pour ne pas avoir mis de chiffres sur la table.
Alors que la COP29 est terminée, les prochains tests pour le Canada approchent à grands pas. Le Canada fixera son objectif de financement climatique post-2025 dans les mois à venir, et le Réseau action climat Canada a appelé à un triplement du financement climatique en tant qu’acompte de bonne foi sur sa dette climatique. Compte tenu de ce résultat faible et décevant, il est plus important que jamais que le Canada joigne le geste à la parole et prenne un engagement financier fort – pour montrer que l’accord NOCQ est le plancher et non le plafond de l’ambition.
Le Canada doit également fixer son objectif climatique pour 2035 dans un délai d’une semaine, d’ici au 1er décembre, ainsi qu’un plan plus détaillé pour l’atteindre dans sa contribution déterminée au niveau national, prévue pour le début de l’année 2025. En tant que l’un des plus grands pollueurs et producteurs de énergies fossiles au monde, le Canada doit assumer sa juste part de l’effort climatique, qui exige une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030. Le Royaume-Uni a déjà placé la barre très haut en annonçant un objectif de réduction des émissions de 81 % d’ici 2035, ici même à la COP29.
En juin prochain, le Canada accueillera le sommet du G7. Il s’agira d’un moment crucial dans le calendrier diplomatique, et le Canada doit user de toute son influence pour créer une dynamique en direction de Belém, où se tiendra la COP30 l’année prochaine.
Autres points importants :
- Le rôle du Canada dans les négociations : Alors que le Canada aurait pu s’exprimer davantage dans les derniers jours sur l’importance du nouvel objectif visant à centrer la fourniture de finances publiques, le ministre Guilbeault et son équipe de négociateurs ont travaillé jusqu’à la dernière heure pour s’assurer que le monde quitte Bakou avec un accord. Nous avons vu le Canada axer son approche sur les droits et l’inclusion en s’opposant aux tentatives de recul des droits des peuples autochtones, des droits humains, de l’égalité de genre et de l’intersectionnalité. Le Canada fait également partie des pays qui ont refusé d’approuver un texte sur l’atténuation dans lequel une référence aux « carburants de transition » avait été incluse.
- Quantité: Alors que les besoins des pays du Sud en matière de financement climatique se chiffrent en milliers de milliards, le NOCQ ne fixe qu’un objectif de 300 milliards d’USD en termes de fourniture et de mobilisation. Si l’on tient compte de l’inflation par rapport à 2009, année où l’objectif de 100 milliards de dollars a été fixé, le NOCQ ne représente qu’une augmentation modeste – loin d’un triplement de l’objectif précédent.
- Le processus : Cet après-midi, l’Alliance des petits États insulaires et des pays les moins avancés a temporairement quitté les négociations, frustrée de ne pas avoir été consultée sur le texte. Lors de la dernière séance plénière, plusieurs pays ont vivement dénoncé la manière dont le NOCQ a été brusquement adopté. Il est inacceptable que ce processus ait écarté les voix des personnes les plus touchées par le changement climatique et que le résultat ne réponde pas aux besoins qu’elles ont si clairement exprimés depuis si longtemps.
- Article 6: Les décisions relatives à l’article 6.2 et à l’article 6.4 ont également été adoptées samedi après-midi. Les marchés du carbone ne sont pas des instruments de financement climatique, et des règles insuffisantes risquent d’entraîner l’accaparement de terres, des violations des droits et l’échec à réduire réellement les émissions.
- Les énergies fossiles : Tout au long de la COP, des tentatives ont été faites pour revenir sur l’accord de la COP28 visant à abandonner les énergies fossiles. Si le financement est essentiel pour permettre l’abandon progressif du pétrole, du gaz et du charbon et l’adoption des énergies renouvelables, aucun financement ne peut réparer les dommages qui seront causés si le monde continue d’accroître la production d’énergies fossiles. Dans les dernières heures, les parties ont rejeté un texte tristement peu ambitieux qui poursuivait les travaux de l’inventaire mondial et l’ont renvoyé à Belém.
- Espace civique : La société civile a été soumise à des restrictions plus sévères que jamais lors de cette COP. C’est inacceptable ; il ne peut y avoir de justice climatique sans une société civile forte.
Citations:
Andréanne Brazeau, Analyste principale des politiques – Québec, Fondation :
« Face à la crise climatique qui détruit des communautés et des vies, fait exploser le coût de la vie, mine notre santé et notre bien-être et exacerbe les inégalités, la COP29 passera à l’histoire pour les mauvaises raisons, alors qu’elle met à mal la crédibilité du régime climatique international. Le Canada et les autres pays développés ont abandonné le reste du monde avec la timide somme de 300 milliards qui a finalement été adoptée pour 2025. Le sommet ayant encore une fois compté un nombre disproportionné de lobbyistes pétroliers et gaziers, on ne peut qu’être solidaire des pays du Sud qui se disent trahis, méfiants et mécontents au terme de cette COP qui n’a vu aucun progrès sur la question critique de la sortie des énergies fossiles. »
« Si le Canada n’a pas su faire preuve de leadership à Bakou, il doit le faire rapidement à la maison en proposant une cible juste pour l’année 2035, en accélérant l’adoption des mesures climatiques présentement sur la table et, bien sûr, en rehaussant sa contribution à la finance climatique. »
Julie Segal, Gestionnaire principale, financement climatique, Environmental Defence Canada :
« La COP 29 s’est conclue avec une offre scandaleusement inadéquate en matière de financement climatique, avec une promesse pingre qui tente d’abdiquer les obligations des grands émetteurs historiques. La décision a été prise à tort en dépit de l’opposition des pays les plus vulnérables.
Les dommages climatiques s’aggravent à l’échelle mondiale et la nécessité de décarboniser est urgente. Pourtant, des pays riches comme le Canada, dont les émissions de gaz à effet de serre sont élevées, n’ont fait aucune offre de financement de qualité. Les pays développés ont échoué, et les pays les plus vulnérables ont été abandonnés par le processus et par le résultat. Alors que les subventions annuelles aux combustibles fossiles dépassent 1-mille-3-milliards de dollars, la proposition faite ici à la COP 29 de ne déplacer que 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 est pitoyable. Réduire les émissions maintenant est le seul moyen de réduire les dommages climatiques, à la fois au niveau mondial et chez nous, dans nos communautés, et cela nécessite un engagement financier sur le climat qui réponde réellement aux besoins. »
Denis Bolduc, secrétaire général, FTQ :
« La COP29 a donné des résultats insuffisants. Le temps passe, les changements climatiques, eux, continuent de faire leurs ravages partout sur la planète, et le Québec n’y échappe pas. Il est impératif que les pays développés assument leurs responsabilités et démontrent un véritable leadership en matière de climat. Leur inaction, particulièrement à l’endroit des pays en développement, compromet l’avenir de notre planète. »
Alain Lafontaine, président, Baastel :
« Si la COP29 a permis de réaliser des progrès supplémentaires, elle reste en deçà des actions décisives nécessaires pour faire face à la crise climatique. De nombreux pays ont déjà du mal à mettre en œuvre leurs engagements existants, et on ne voit pas comment ils pourraient atteindre des objectifs plus élevés sans un financement suffisant et accessible. La promesse de financement de 300 milliards de dollars, bien qu’elle constitue un pas en avant, ne répond pas aux exigences d’une ambition toujours plus grande, en particulier pour les pays les moins avancés. »