Territoires non cédés de la Nation algonquine anishinaabe [OTTAWA], 6 juin 2025 :
En tant que plus grand réseau canadien regroupant des groupes environnementaux, syndicats, groupes religieux et organisations autochtones, le Réseau action climat Canada s’inquiète profondément des propositions contenues dans le projet de loi C-5 : Loi visant à bâtir le Canada, annoncé aujourd’hui par le premier ministre Mark Carney. Ce processus proposé pour les projets jugés « d’intérêt national » porterait directement atteinte à la protection de l’environnement, tout en mettant fin à la prise de décision démocratique. Le respect des droits des peuples autochtones, la garantie d’un air et d’une eau propres et le respect du cours normal de la loi ne sont pas des « barrières administratives » : ils constituent plutôt les fondements d’une démocratie saine et protègent les relations de nation à nation.
Alors que le premier ministre Carney s’exprimait au Parlement, la qualité de l’air à l’extérieur était parmi les pires au monde, en raison de la fumée provenant des incendies de forêt dévastateurs qui ravagent la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. Ces incendies ont été rendus cinq fois plus probables par les changements climatiques causés par la combustion des combustibles fossiles.
Parmi ses nombreux défauts, le projet de loi C-5 n’oblige pas les décideur.euse.s à tenir compte des effets négatifs potentiels d’un projet sur l’environnement lorsqu’ils déterminent qu’il est dans l’intérêt national. Cette omission flagrante constitue un abandon manifeste des obligations environnementales du gouvernement fédéral. Ce projet de loi renforce la fausse dichotomie entre l’économie et l’environnement et permettrait aux promoteurs de projets de faire valoir que les avantages économiques sont plus importants que l’évaluation adéquate de leurs impacts sur le climat et l’environnement.
La transition énergétique doit être accélérée, mais cela exige que les gouvernements adoptent la bonne approche dès le départ. Cela signifie garantir que les communautés touchées aient leur mot à dire dans les projets qui affectent leur vie et leurs moyens de subsistance. Les espèces en péril et les écosystèmes menacés ne peuvent être sacrifiés au nom de l’identité nationale. Les peuples autochtones ne doivent pas simplement être « consultés » : ils sont titulaires de droits sur leurs territoires et doivent donner leur consentement libre, préalable et éclairé.
Nous appelons tou.te.s les député.e.s à la Chambre des communes et tout le Sénat à évaluer adéquatement les changements profonds proposés par ce projet de loi et à s’opposer fermement à toute tentative visant à offrir des raccourcis aux industries extractives.
Citations :
Alex Cool-Fergus, Directrice des politiques nationales, Réseau action climat Canada :
« Donner le feu vert à des projets majeurs avant même de se demander quel sera leur impact sur les communautés est absurde. Il est dans l’intérêt national de permettre la participation publique, de respecter les droits des peuples Autochtones et de protéger notre climat, nos terres, nos eaux et notre air, plutôt que de précipiter des projets d’extraction risqués. Contourner les normes démocratiques sous prétexte d’une « crise » est une vieille tactique. Ce gouvernement doit faire mieux. »
David Roy, directeur général, Ateliers pour la biodiversité :
« Les décisions entourant les grands projets doivent être conformes aux engagements du Canada en matière de biodiversité, tels qu’énoncés dans la Stratégie canadienne pour la nature à l’horizon 2030 — et non les contourner. Nous comprenons le besoin d’accélérer certains développements, mais le faire sans garanties solides pour l’environnement et les droits des Autochtones risque de miner la confiance du public et la durabilité à long terme. La protection de la nature et l’action climatique sont le véritable projet de société dont le Canada a besoin. »
France-Isabelle Langlois, directrice générale, Amnistie internationale Canada francophone :
« Amnistie internationale est très préoccupée par les orientations prises par le gouvernement du Canada, alors que sous prétexte de souveraineté énergétique, il serait prêt à développer des projets de l’industrie extractive et autres en diminuant les critères d’évaluation et les délais d’approbation. Ce qui contrevient à ses obligations internationales de respecter le droit au consentement préalable, libre et éclairé des Peuples autochtones. »
Patricia Clermont, responsable de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), Ph.D :
« Il est d’autant plus important de ne pas accélérer les projets pétroliers et gaziers alors même que la qualité de l’air à travers le Canada est affectée par les feux de forêts qui font de nouveau rage, alimentés par les changements climatiques, qui sont eux-mêmes nourris par notre dépendance aux énergies fossiles. Un développement économique responsable et dynamique est possible, à l’heure de la crise climatique – qui est aussi une crise de santé des populations. Mais il implique de sauvegarder la confiance des populations et la nature, et de ne pas miner les fragiles avancées en matière de respect des peuples autochtones. »
Louis Couillard, responsable de la campagne Climat-Énergie, Greenpeace Canada :
« Nous devrions accélérer la mise en œuvre de solutions climatiques, et non pas l’exploitation du pétrole et du gaz. Le simple fait d’envisager de désigner les projets pétroliers et gaziers comme étant d’intérêt national est une véritable gifle au visage de tous les Canadien·nes qui luttent en ce moment même contre les feux de forêt.»
Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales, Équiterre :
« Les projets d’intérêt nationaux devraient permettre aux Canadiens de se déplacer plus rapidement en train d’une région à l’autre du pays, aux villes d’être mieux adaptées pour faire face aux feux de forêt et inondations, aux premières nations d’être toutes connectées à l’eau potable et à toutes les communautés au pays d’être branchées à un réseau d’énergie renouvelable. Pour être réellement transformateurs, les projets d’intérêt nationaux doivent être au bénéfice de la population canadienne en plus de servir nos intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Un tuyaux payé par les contribuables pour exporter nos ressources naturelles au profit d’entreprises privées multimilliardaires, c’est pas mal l’inverse d’un projet d’intérêt national. »
Rébecca Pétrin, directrice générale, Eau Secours :
« Accélérer l’évaluation et la réalisation de projets d’envergure serait complètement irresponsable et irait à l’encontre des souhaits de la population qui veut voir le Canada comme un leader de la protection environnementale. Nous observons déjà bien trop d’impacts négatifs sur l’eau douce et les milieux naturels causés par les grands projets miniers ou liés à la production d’énergie. Il faut plus que jamais resserrer les normes face aux grandes industries afin d’assurer la protection de notre ressource la plus vitale, l’eau douce! »
Anne-Céline Guyon, analyste climat-énergie, Nature Québec :
« Comment peut-on considérer qu’il est dans «l’intérêt national » de la population canadienne d’imposer des projets qui aggraveront la qualité de l’air qu’on respire, qui mettront en dangers nos maisons face aux feux et aux inondations et qui continueront à faire grimper le prix de notre panier d’épicerie ? On a déjà tellement joué dans ce film-là, celui où les intérêts économiques de compagnies privées déjà multimilliardaires priment sur les intérêts réels de la population et de l’environnement. Pourtant, des projets porteurs pour notre résilience économique face aux multiples crises existent. Nous n’avons qu’à nommer la construction de logements abordables et efficaces sur le plan énergétique, le déploiement de vastes réseaux de transports collectifs interurbains, etc. Le Canada est à la croisée des chemins.Mettons nos énergies à la bonne place. »
France Pomminville, directrice générale, Réalité Climatique Canada :
« Le choix du Canada ne devrait pas être entre développement économique et protection de l’environnement, mais plutôt de construire un véritable projet de société axé sur les énergies renouvelables, la justice climatique et le respect des droits autochtones. Accélérer des projets d’envergure sans garanties solides en matière de participation citoyenne et d’évaluation environnementale nous éloigne de cette vision. Il est encore temps de bâtir un avenir à la hauteur de nos engagements climatiques, en mettant la santé, la sécurité et le bien-être des communautés au cœur des décisions. »
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Climate Action Network – Réseau action climat (CAN-Rac) Canada est le plus vaste réseau d’organisations travaillant sur les questions liées aux changements climatiques et à l’énergie au Canada. Il s’agit d’une coalition de plus de 180 organisations opérant d’un océan à l’autre. Nos membres rassemblent des groupes environnementaux, des syndicats, des Premières Nations, des organisations de justice sociale, de développement, de santé et de jeunesse, des groupes religieux et des initiatives locales.
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