Territoires non cédés de la Nation algonquine anishinaabe [OTTAWA], 26 juin 2025 :
Les groupes environnementaux et de la société civile condamnent l’adoption précipitée du projet de loi C-5 par le Parlement qui officialise la Loi visant à bâtir le Canada. Cette loi porte atteinte aux principes démocratiques, négligent les droits des Autochtones, exclut les Canadien⸱nes de décisions qui les concernent et menace l’environnement.
Le projet de loi C-5 crée un dangereux précédent. Il confère au Cabinet fédéral un pouvoir discrétionnaire extrêmement large lui permettant de contourner les lois environnementales et les garanties juridiques. Le projet de loi permet de prendre des décisions concernant des projets qualifiés d’« intérêt national » avec une participation publique limitée, sans évaluation approfondie des impacts environnementaux et sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
La rapidité avec laquelle le gouvernement a fait adopter ce projet de loi n’a pas laissé suffisamment de temps pour l’examiner attentivement et a suscité une vive réaction de la part des communautés et organisations autochtones, des organisations environnementales et du public. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-5 suscitera davantage d’opposition et de contestations judiciaires, ce qui ne fera que retarder davantage les projets, contrairement à l’objectif du gouvernement d’accélérer leur réalisation. Le gouvernement doit abroger la loi et retourner à la table à dessin.
Les amendements apportés à la Chambre des communes exigent une plus grande transparence et imputabilité, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des clauses « Henri VIII » qui permettent au gouvernement de contourner les lois existantes, nommées après le roi Henri VIII d’Angleterre). Sans autres propositions d’amendements pour corriger les abus et remédier aux nombreuses lacunes du projet de loi, le Sénat a manqué à son rôle complémentaire de « second examen objectif ». Le projet de loi C-5 et sa mise en œuvre pourraient donner lieu à des actions et des incidences inconstitutionnelles, porter atteinte aux principes démocratiques et faciliter des excès du pouvoir exécutif en menaçant la séparation des pouvoirs.
Le gouvernement devrait, sans tarder :
- Collaborer avec les leaders autochtones, le public et les organisations de la société civile pour bien définir la notion d’« intérêt national » aux fins du projet de loi C-5, ainsi que les critères auxquels les projets doivent satisfaire afin d’être admissibles;
- Engager le public dans un dialogue significatif et obtenir le consentement des peuples et communautés autochtones et des provinces avant de désigner des projets comme étant d’« intérêt national »;
- Travailler avec des experts en environnement et les communautés afin de trouver des moyens d’impliquer le public de façon significative dans l’examen des projets dits dans l’« intérêt national »;
- S’engager à ne pas utiliser les pouvoirs « Henri VIII » pour exempter les projets d’intérêt national des lois fédérales en matière d’environnement, de santé ou d’autres domaines importants;
- Créer un registre public contenant toutes les informations relatives aux projets d’intérêt national; et
- S’engager à donner la priorité aux énergies renouvelables et à ne pas inclure de projets d’expansion ou de développement d’énergies fossiles dans la liste des projets qualifiés d’« intérêt national ».
Maintenant que le projet de loi C-5 a été adopté, nous suivrons de très près la manière dont le gouvernement le mettra en œuvre. Le Cabinet doit donner la priorité aux projets qui contribuent véritablement à bâtir le pays, plutôt que de renouveler un soutien réglementaire et des investissements fédéraux dans des projets d’infrastructure liés aux énergies fossiles.
Le gouvernement fédéral doit prendre des mesures pour réaliser des projets qui mèneront le Canada vers un avenir durable, résilient, équitable et sécuritaire sur le plan climatique. Cela signifie construire un réseau électrique national doté d’un système interconnecté robuste qui relie les provinces et les territoires, d’un océan à l’autre; investir dans le train à grande vitesse à travers le pays; aider nos villes et municipalités à s’adapter aux feux de forêt, aux inondations; et combler le déficit en infrastructures chez les communautés autochtones.
Nos organisations restent vigilantes et se feront entendre haut et fort lors des examens obligatoires du Comité d’examen parlementaire et au-delà, afin de veiller à ce que le gouvernement n’utilise pas cette loi à mauvais escient et au détriment des populations et de l’environnement.
Citations :
Isabel McMurray, analyste des politiques nationales, Réseau action climat Canada :
« Le projet de loi C-5 accorde des pouvoirs considérables au Cabinet, ignore les principes démocratiques de participation publique, risque de causer de graves dommages à l’environnement et néglige les droits des Autochtones. Ce projet de loi rédigé à la hâte et examiné à la va-vite risque de piéger le Canada sous la dépendance d’industries extractives non durables plutôt que de l’inciter à s’engager dûment envers la transition énergétique. Par le projet de loi C-5, le gouvernement tente de définir des projets visant à bâtir le Canada, mais il évite complètement de se demander pour qui bâtir cette nation et à quel prix. »
Louis Couillard, responsable de la campagne climat-énergie, Greenpeace Canada :
« Mark Carney s’est présenté comme premier ministre en tant que banquier qui se souciait des changements climatiques, mais avec le projet de loi C-5, il gouverne comme Stephen Harper sur les stéroïdes. Cette loi transforme le processus d’évaluation environnementale accessible au public en négociation à huis clos où les lobbyistes les plus puissants détermineront quels projets sont d’«intérêt national». Au Québec comme ailleurs au Canada, nous refusons que nos territoires deviennent les terrains de jeu des pétrolières, et nous appelons tous les Canadien·nes à résister à cette dérive anti-démocratique. »
Anne-Céline Guyon, analyste climat-énergie, Nature Québec :
« C’est un jour noir pour la démocratie et la protection de l’environnement au Canada. Avec l’adoption de C-5 sous bâillon, le gouvernement canadien vient de s’arroger le droit de suspendre toutes les lois qui se dressent sur son chemin; celles protégeant les milieux naturels et les espèces menacées entre autres. Tout ça au détriment des compétences des provinces et des droits des peuples autochtones, sous prétexte de projets d’«intérêt national» dont aucune définition précise n’a été donnée. Or, absolument rien dans cette loi ne garantit que ces projets répondront à la crise climatique ou à celle de perte de la biodiversité. Le gouvernement nous demande de lui accorder notre confiance mais rien dans la manière dont le processus s’est déroulé ne la mérite. »
Patricia Clermont, Responsable, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) :
« C’est extrêmement inquiétant que cette impression de déni de démocratie et de rouleau compresseur que cette nouvelle loi, qui met en péril des années de travail pour nous donner des lois qui protègent l’environnement et donc notre santé. Cela, au nom d’une économie qui, si elle continue dans le filon gazier, énergivore et destructeur, ne génèrera que des coûts malheureux, en dollars et en problèmes d’infrastructures et de santé pour nos populations. Nous redoublerons de vigilance, mais plusieurs conflits sont à prévoir – lesquels, au final, ralentiront bien des choses. Prendre le temps de faire les choses, c’est économique et écologique. Améliorer et raccourcir des processus ne veut pas dire charcuter nos lois et nos droits à un environnement sain. »
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Climate Action Network – Réseau action climat (CAN-Rac) Canada est le plus vaste réseau d’organisations travaillant sur les questions liées aux changements climatiques et à l’énergie au Canada. Il s’agit d’une coalition de plus de 180 organisations opérant d’un océan à l’autre. Nos membres rassemblent des groupes environnementaux, des syndicats, des Premières Nations, des organisations de justice sociale, de développement, de santé et de jeunesse, des groupes religieux et des initiatives locales.
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