Territoires non-cédés de la Nation algonquine anishinaabe [OTTAWA], 24 juillet 2023 :
Depuis plus de quatorze ans, la société civile fait campagne pour mettre un terme au versement de l’argent des contribuables à l’industrie qui alimente la crise climatique. L’annonce faite aujourd’hui par Steven Guilbeault, ministre de l’environnement et du changement climatique, concernant l’élimination des subventions inefficaces accordées aux combustibles fossiles, concrétise une promesse de longue date du gouvernement fédéral, renforcée par l’entente de soutien et de confiance avec le NPD.
Longtemps critiqué sur la scène internationale pour être l’un des principaux bailleurs de fonds des combustibles fossiles, le Canada est désormais le premier pays du G20 à mettre en œuvre un cadre d’évaluation pour identifier, évaluer et supprimer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Le seuil clé de l’efficacité est l’alignement sur la limitation de l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C et le fait de ne pas entraver la transition vers les énergies renouvelables – bien que ces conditions doivent être explicitement incluses dans le cadre. Le moment choisi pour cette annonce, juste avant la réunion des ministres de l’environnement du G20, envoie un signal important aux autres grands émetteurs quant à la nécessité d’agir rapidement pour éliminer les subventions aux combustibles fossiles.
La politique annoncée aujourd’hui ne s’applique pas au financement public – par exemple les prêts, les garanties et les capitaux propres – et compte tenu des milliards de financement public national accordés aux gazoducs TransMountain et Coastal GasLink, il s’agit d’une prochaine étape cruciale. L’annonce promet un plan de mise en œuvre d’ici l’automne 2024 pour éliminer progressivement le financement public du secteur des combustibles fossiles, mais avec le pays en feu, un plan avec des échéances plus lointaines n’est pas suffisant. Le Canada doit dévoiler cette année un plan visant à mettre fin à tout financement public national pour le pétrole et le gaz d’ici à la fin de 2024, et rediriger ces fonds pour soutenir une transition vers une énergie propre qui ne cause pas de dommages aux communautés ou aux écosystèmes.
Pendant trop longtemps, le Canada a ignoré les effets dévastateurs des combustibles fossiles. Comme le montre la présence de manifestants contre les sables bitumineux lors de l’annonce d’aujourd’hui, les Canadien.ne.s en ont assez que le gouvernement soutienne une industrie qui réalise d’énormes profits au détriment de notre climat et de notre santé. Le nouveau cadre établit un précédent solide, mais sa mise en œuvre sera cruciale. Chaque ministère et chaque société d’État doit coopérer pour appliquer la politique avec rigueur et suivre la vision qui consiste à canaliser les investissements vers la construction d’un avenir climatiquement sécuritaire pour tous.
Les points clés:
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Le cadre permet toujours un soutien public continu à des distractions dangereuses qui soutiennent le secteur des combustibles fossiles, comme le captage et le stockage du carbone (CSC) et l’hydrogène d’origine fossile, ce qui continue à fausser l’analyse de rentabilité en faveur de ces technologies inefficaces et non économiques. La politique doit être renforcée pour éliminer ces lacunes.
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Tout projet doit être considéré conformément à l’article 6 – le mécanisme d’échange de quotas d’émission de l’Accord de Paris – ne doit pas compromettre l’ambition climatique du Canada, d’autant plus que le lobby du gaz a cherché à utiliser ce mécanisme pour prétendre à tort que les exportations de gaz canadien sont une solution pour le climat.
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Bien que le cadre comprenne des exceptions pour les régions éloignées, la politique devrait être explicite sur le fait d’éviter des coûts énergétiques plus élevés pour les communautés qui méritent l’équité et qui sont déjà aux prises avec une certaine précarité énergétique.
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Pour la suite, le gouvernement doit garantir la transparence de la mise en œuvre de la politique et publier un inventaire des mesures concernées par ce cadre, ainsi qu’une justification des éventuelles exemptions, tout en indiquant clairement où se situe la responsabilité du suivi et de l’obligation de rendre compte.
Citations:
Caroline Brouillette, Directrice générale, Climate Action Network – Réseau action climat Canada:
« La science est claire : si nous voulons limiter les effets les plus catastrophiques des changements climatiques, nous devons non seulement investir dans des solutions climatiques, mais aussi supprimer les investissements publics dans les combustibles fossiles qui sont à l’origine de la crise climatique. À l’heure actuelle, la population canadienne souffre des vagues de chaleur, des incendies de forêt et de l’augmentation du coût de la vie due aux combustibles fossiles, alors que les dirigeants des compagnies pétrolières et gazières empochent des profits records. S’appuyant sur les investissements du budget 2023, le nouveau cadre annoncé aujourd’hui permet enfin au gouvernement fédéral d’accélérer la transition énergétique – dont nous avons besoin pour notre économie et notre climat – plutôt que de la ralentir. Comme toujours, le véritable test sera la mise en œuvre du cadre dans tous les ministères et dans toutes les formes de soutien financier du gouvernement, y compris les prochaines étapes urgentes en matière de financement public. »
Marc-André Viau, Directeur des relations gouvernementales, Équiterre :
« Ces nouvelles balises entourant les subventions inefficaces sont un premier pas important pour débuter la transition du secteur pétrolier et gazier vers des énergies propres et renouvelables. Ce genre de mesures gouvernementales doit servir de tremplin pour la création de nouveaux emplois durables dans les collectivités qui dépendent de l’exploitation des hydrocarbures. Équiterre s’avoue cependant préoccupé par les exemptions accordées, notamment pour le développement de solutions technologiques marginales comme la capture et le stockage de carbone et l’hydrogène. Ce sont des portes de sortie sur lesquelles l’industrie mise énormément pour maintenir le statu quo dans sa production. L’argent des contribuables ne doit pas servir à les garder ouvertes. »
John Young, stratège sur la transition énergétique à la Fondation David Suzuki :
« Le nouveau cadre est censé garantir que tout soutien gouvernemental au secteur ne retardera pas la transition vers les énergies renouvelables et sera conforme aux objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement à 1,5 C. Mettre en œuvre cet engagement avec intégrité signifie qu’il ne peut plus y avoir de subvention pour de nouveaux projets d’exploitation de combustibles fossiles, tels que les usines controversées de GNL en Colombie-Britannique. Comme l’indique clairement notre récent rapport sur le GNL le gaz naturel liquéfié empêche de diminuer nos émissions de GES et accapare des investissements cruciaux qui pourraient être consacrés aux énergies renouvelables. »
France-Isabelle Langlois, directrice générale, Amnistie internationale Canada francophone :
« Pour respecter l’Accord de Paris et ses obligations internationales en droits humains, et limiter la hausse des températures à 1,5 C, le Canada doit cesser toutes les subventions et pas seulement celles dites inefficaces. Le Canada doit aussi cesser de s’appuyer sur des technologies dont l’efficacité n’a pas été prouvée telles le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. C’est une question de droit à la vie et à la sécurité. Les morts liées aux inondations actuelles en sont l’exemple frappant. »
Keith Stewart, stratège principal en énergie chez Greenpeace Canada :
« Nous sommes heureux d’apprendre qu’une partie du soutien provenant des poches du contribuable et versé aux compagnies pétrolières et gazières sera éliminé. Mais nous souhaitons aussi rappeler au gouvernement fédéral qu’il n’y a pas de subventions « efficaces » pour les combustibles fossiles à une époque où les catastrophes climatiques et les profits de l’industrie pétrolière battent des records, et surtout pas pour des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves comme le captage du carbone. Compte tenu du bilan du Canada, son engagement de mettre fin au financement public des combustibles fossiles est significatif et nous continuerons à faire pression pour que des mesures rapides et ambitieuses soient mises en place. Le gouvernement fédéral ne doit en aucun cas céder au lobby de l’industrie qui réclame de nouvelles subventions, telles que pour des projets d’exportation de gaz fossile sous couvert de supposés crédits. »
Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME):
« Alors que nous connaissons une année exceptionnellement intense en ce qui a trait aux événements climatiques extrêmes (chaleur, feux de forêts, inondations suite à de très grosses pluies), nous, médecins, répondons aussi à de plus en plus de questions reliées à la santé humaine qui pâtit évidemment de ces phénomènes. Il serait aujourd’hui inconcevable que la communauté médicale finance les compagnies de tabac, mais il est aussi inconcevable que le gouvernement investisse dans les énergies fossiles alors que nous devons plus que jamais changer de cap et transformer dès maintenant nos façons de faire et de vivre. L’annonce d’aujourd’hui est encourageante mais aussi insuffisante car nous restons inquiets et inquiètes des exceptions accordées, et qui sont susceptibles de ralentir la cadence nécessaire tout en maintenant des mirages et de l’attentisme autour de solutions inefficaces. »
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Climate Action Network – Réseau action climat (CAN-Rac) Canada est le plus vaste réseau d’organisations travaillant sur les questions liées aux changements climatiques et à l’énergie au Canada. Il s’agit d’une coalition de 150 organisations opérant d’un océan à l’autre. Nos membres rassemblent des groupes environnementaux, des syndicats, des Premières Nations, des organisations de justice sociale, de développement, de santé et de jeunesse, des groupes religieux et des initiatives locales.
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