Note du Réseau action climat Canada : 24éme Conférence des parties (COP24) de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques

Note du Réseau action climat Canada : 24éme Conférence des parties (COP24) de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (Katowice, Pologne | Du 2 au 14 décembre 2018)
Le 16 novembre 2018
Contexte
Concluant une année qui a tout à la fois cristallisé l’urgence de la crise climatique et remis en cause l’avenir du multilatéralisme traditionnel, la COP24 est un moment politique décisif pour les parties de la CCNUCC qui doivent donner le signe de leur engagement collectif envers l’action climatique et affirmer leur intention de maintenir le réchauffement global à 1,5°C.
Le Rapport spécial du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C (SR15), dit clairement que les parties doivent accroître les ambitions de leurs engagements climatiques. La mise en oeuvre de l’Accord de Paris constitue une occasion unique de moderniser nos économies, d’améliorer la compétitivité et de stimuler l’emploi et la croissance. Une action sans précédent est nécessaire pour aligner les flux financiers avec de faibles émissions de gaz à effet de serre et un développement résistant aux chocs climatiques, pour encourager une prospérité inclusive et pour améliorer la résistance à la volatilité des marchés. Les engagements actuels en vertu de l’Accord de Paris demeurent insuffisants pour maintenir le réchauffement à des niveaux sécuritaires et le leadership politique est indispensable pour combler le retard en matière d’émissions au cours des 12 prochaines années. La phase politique de l’exercice d’inventaire du Dialogue de Talanoa de cette année, qui sera co-présidée par la présidence polonaise de la COP 2018 et la présidence fidjienne de 2017 doit donc initier une série de processus nationaux conçus pour examiner et améliorer les contributions déterminées au niveau national (NDC) et préparer les parties à rendre publiques des NDC nouvelles ou remise à jour, d’ici 2020.
L’échéance de 2018 pour la présentation du programme de travail de l’Accord de Paris (PAWP, également intitulé « livre de règles de Paris ») s’achève durant la COP24 et le monde entier cherchera la confirmation que la mise en œuvre de l’Accord de Paris est en bonne voie. La société civile internationale et les syndicats, en particulier, ont fait d’importants efforts pour aboutir lors de la COP24 à une Déclaration pour une transition juste. Grâce aux efforts de la présidence polonaise visant à promouvoir cette “ COP de la transition juste “, il existe une occasion unique d’établir un lien fort entre le régime international sur le climat et les aspects concrets de la transition.
Nos priorités pour le Canada à Katowice
1. Accroître les ambitions du Canada en matière de climat
Le Canada doit employer la tribune de la COP24 pour annoncer le lancement d’un processus national d’examen et d’amélioration qui déclenche une discussion à l’échelle du pays sur l’accroissement de la contribution du Canada à l’Accord de Paris, afin que notre pays puisse dévoiler d’ici 2020 un ensemble de NDC le plus complet et inclusif possible. En particulier, la phase politique du Dialogue de Talanoa constitue une occasion unique pour que le Canada rejoigne le groupe d’avant-garde des pays qui ont annoncé leur intention de réviser leurs objectifs actuels pour s’aligner sur le SR15 et de communiquer des NDC neuves ou mises à jour avant 2020.
La NDC du Canada est inférieure à notre juste contribution à l’effort mondial pour combattre les changements climatiques. Le CAN-Rac milite pour une réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre d’au moins 50% sous les niveaux de 2005 d’ici 2030, mais aussi pour un financement climatique à hauteur de 4 milliards de dollars par an d’ici 2020.
Tandis qu’une mise en oeuvre robuste du cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques est essentielle, il faut des efforts plus ciblés visant à mettre le Canada sur une voie permettant de dépasser notre objectif actuel, insuffisant, de réduction des émissions de 30% par rapport aux niveaux de 2005, d’ici 2030.
La révision des contributions déterminées au niveau national exigera que le Canada y intègre des mesures de soutien et des ressources à destination des gouvernements régionaux, des villes et des collectivités autochtones pour les aider à s’engager davantage, à planifier, mettre en oeuvre, surveiller et évaluer leurs plans d’atténuation et d’adaptation climatiques, et à en rendre compte.
2. Construire un programme de travail de l’Accord de Paris robuste (PAWP)
Le Canada doit continuer à jouer un rôle constructif qui aide à garantir que des directives robustes et applicables soient adoptées pour toutes les sections de l’Accord de Paris qui, ensuite, aideront les pays à fixer des objectifs climatiques plus ambitieux au niveau national. Notre réseau national et international souligne les principes suivants, en lien avec des éléments du PAWP:
Directives pour les NDC :
- Les orientations différenciées (mais pas à deux vitesses) pour les caractéristiques des NDC doivent garantir la clarté et la transparence de l’information fournie, mais aussi celle de la comptabilité qui sera adoptée par les pays, en Pologne.
- Les orientations de comptabilité basées sur la présentation de l’inventaire en vertu de la REDD et de la CCNUCC doivent être élaborées bien avant 2020.
- Les transferts internationaux de réduction d’émissions doivent uniquement être autorisés s’ils s’inscrivent dans un cadre transparent et responsable qui repose sur les ambitions collectives en matière de NDC et évite la double comptabilité.
- Les indications de plans et de mesures pour une transition juste doivent comporter un mécanisme de rapport visant les processus et les actions mis en oeuvre.
- Le Canada doit présenter une position claire sur les échéances communes en matière de NDC et s’assurer que ces échéances soient correctement synchronisées avec le régime de l’Accord de Paris.
Procédures, modalités et orientations qui guident le cadre de transparence renforcé :
- Des orientations communes mais souples doivent être adoptées pour assurer que le rapport des émissions et des progrès corresponde aux émissions et aux progrès réels, au niveau national et international.
Bilan mondial (GST) :
- Le Canada doit travailler à finaliser la conception générale du GST à la COP24, en s’assurant qu’il comporte des domaines de travail correspondant aux objectifs à long terme mentionnés dans l’Article 2 de l’Accord de Paris, mais aussi aux pertes et préjudices. Selon nous, les moyens de mise en oeuvre, ainsi que l’équité, doivent être traités comme des questions transversales dans tous les domaines de travail, de façon spécifique au thème de chaque domaine de travail.
3. Réussir les mesures de confiance de la COP24 : accroître la confiance pour déclencher de futures actions climatiques ambitieuses
Le Canada doit jouer un rôle de chef de file en vue d’obtenir des résultats positifs sur la finance, les pertes et préjudices, l’adaptation et l’action antérieure à 2020. La COP24 se tient à l’issue d’une année à nouveau marquée par une série de catastrophes climatiques. Ces événements dévastateurs nous montrent que nous vivons dans une réalité nouvelle qui requiert pour y répondre un nouvel ensemble d’outils et de ressources.
Au pays, le Canada connaît un réchauffement plus rapide que dans la plupart des autres régions du globe. Cette tendance est particulièrement visible dans le nord du Canada, qui a connu un réchauffement atteignant les 3°C au cours des dernières décennies. Les communautés autochtones du Nord et de l’ensemble du Canada, ainsi que les collectivités canadiennes côtières et/ou qui dépendent d’une économie basée sur les ressources naturelles de base touchées par les changements climatiques, sont parmi les communautés les plus vulnérables à ce changement, à l’échelle mondiale.
Le gouvernement du Canada doit donc faire preuve de leadership dans son pays et à l’étranger en proposant des idées innovantes pour aider les communautés les plus vulnérables du globe à faire face aux pires effets des changements climatiques.
La contribution du Canada à la réunion ministérielle sur l’action antérieure à 2020 et la réunion ministérielle de haut niveau sur la finance doit se focaliser sur deux aspects : atteindre et accroître les engagements déjà annoncés et établir les bases d’une finance qui soit à l’avenir plus prévisible, plus adéquate et plus durable.
Le Canada doit fournir des plans concrets pour indiquer de quelle manière il entend respecter l’engagement pris en 2015 (en notant que ces engagements ne constituent pas la juste part du Canada), de fournir 2,65 milliards de CAD de financement climatique sur 5 ans d’ici 2020, qui doivent culminer en 2020/21 avec une contribution de 800 millions de CAD en :
- Utilisant les investissements publics pour générer des investissements supplémentaires de la part de partenaires extérieurs et en cherchant des possibilités de fournir des financements publics canadiens plus durables, adéquats et prévisibles.
- En s’assurant que 50% de l’investissement international du Canada en matière de changements climatiques soit dirigé vers les projets d’adaptation principaux.
- En formulant de façon claire la manière dont les instruments – les investissements multilatéraux et bilatéraux, le financement concessionnel, axé sur les subventions – seront utilisés pour anticiper les objectifs du Canada en matière de finance climatique.
- En trouvant un moyen d’aligner l’aide internationale avec sa Politique d’aide internationale féministe, le Canada doit considérablement augmenter son financement de l’adaptation en visant à financer davantage de projets sexospécifiques.
Tandis que commence le premier renflouement du FVC, le Canada doit utiliser la COP24 pour fixer des attentes ambitieuses concernant ce renflouement et indiquer dans quelle mesure il augmentera par rapport à ses contributions précédentes, en s’assurant de contribuer sa juste part au montant global qui sera alloué par les pays développés donateurs. Plus précisément, la contribution du Canada au renflouement du FVC doit s’ajouter aux 2,65 milliards de CAD déjà annoncés pour rapprocher la contribution totale du Canada de sa juste part du financement public international pour le climat nécessaire.
Le Canada doit défendre une série de règles comptables transparentes qui établiront la confiance entre tous les pays. Les modalités de comptabilité des ressources financières fournies et mobilisées par le biais des interventions publiques doivent être adoptées de façon à ne comptabiliser que l’équivalent-subvention des prêts ; sans comptabiliser les prêts non assortis de conditions de faveur, les garanties, l’équité – en qualité de finance publique ou comme finance publique mobilisée ; de rapporter les composantes spécifiques au climat projet par projet, avec un rapport séparé des finances de pertes et préjudices ; et d’exclure les projets liés aux combustibles fossiles.
Afin de garantir la prédictibilité du soutien financier, le Canada doit accepter de fournir des informations ex-ante similaires pour chaque canal et chaque source afin d’assurer la comparabilité et la cohérence lorsque des informations sont fournies sur la mobilisation de la finance climatique et il doit aussi fournir des orientations permettant l’élaboration d’une synthèse de l’information fournie pouvant être utilisée lors de réunions ministérielles de haut niveau pour la finance climatique.
Le Canada doit également accepter de discuter de l’objectif post 2025 d’une manière structurée, inclusive et équilibrée. Il est notamment possible d’atteindre ce but en proposant que lors de la COP24, le groupe de travail compétent sur l’Accord de Paris (APA) recommande que la première Conférence des parties siégeant en tant que réunion des parties (CMA1) adopte un processus de discussion de cet objectif et donne suffisamment le temps aux parties et aux observateurs d’y contribuer.
Le Canada doit jouer un rôle constructif et s’assurer que cette COP donne lieu à des résultats concrets sur les pertes et préjudices en reconnaissant le manque de ressources financières et en défendant un domaine de travail spécifique pour le bilan mondial (GST) en matière de pertes et préjudices.
4. La transition juste
Le Canada a fait d’importants pas, au niveau national et provincial, vers une transition juste, dans le contexte de la sortie accélérée de l’électricité produite à partir du charbon. Le Canada doit institutionnaliser ses engagements envers la transition juste en incluant une section sur la transition juste dans sa NDC. Les NDC appuyées par des feuilles de route de développement zéro-carbone sont essentielles à la construction d’une vision à long terme pour transformer notre économie, mais aussi pour stimuler les investissements durables.
Le CAN-Rac appuie la déclaration attendue de la présidence polonaise sur la transition juste, car la prise en compte de l’emploi et de la transition juste permettra d’aligner les NDC avec les priorités sociales plus larges de chaque pays. Le Canada doit assurer que la déclaration sur la transition juste reconnaisse que l’exploitation des opportunités offertes par la transition nécessitera un processus de dialogue social soigneusement conçu, incluant le développement national à long terme de stratégies de décarbonisation et de développement durable.
La transition juste pour les travailleurs doit être maintenue comme un thème permanent dans le cadre du forum sur les moyens d’intervention en vertu de l’Accord de Paris. La présence d’un espace technique dédié est indispensable, dans lequel les pratiques exemplaires ou les situations difficiles pourront être présentées et débattues pour se voir ensuite reflétées dans le programme de travail. Un travail futur sur cette question doit être recommandé au SBI/SBSTA tandis que le PAWP sera élaboré et appliqué.
Dans le contexte canadien, un engagement vers une transition juste doit aboutir à un mandat permanent pour que le Groupe de travail sur la transition équitable du gouvernement du Canada aille au delà de la sortie du charbon et l’étende à tous les secteurs des combustibles fossiles. La transition juste doit également être comprise comme une composante de la réconciliation avec les collectivités autochtones. La contribution des collectivités autochtones à la création et à la mise en œuvre de politiques de transition juste et de plans nationaux est essentielle.
5. Intégrer la santé humaine aux engagements climatiques du Canada
Le président Fidjien de la COP23 et l’Organisation mondiale de la santé ont unis leurs efforts pour défendre la mise en œuvre des engagements de l’Accord de Paris en matière de santé ainsi que l’agenda social et climatique. On s’attend à ce qu’un rapport sur le travail effectué dans ce domaine soit présenté lors de la COP24. Le gouvernement du Canada a reconnu l’importance d’inclure les impacts sur la santé dans certains aspects de sa politique climatique et de sa communication dans ce domaine, y compris dans son approche de la sortie du charbon et de l’établissement d’un prix du carbone. C’est l’occasion pour le Canada d’être un chef de file mondial en incluant les considérations sanitaires dans sa NDC. Cela accroîtra la probabilité que la communication autour des changement climatiques se fasse en des termes qui résonnent au niveau humain, que les économies en matière de soins de santé liées au politiques climatiques soient prises en compte dans la comptabilité générale, et que les initiatives d’atténuation garantissent les plus hauts degrés de co-bénéfices en matière de santé et préviennent les préjudices involontaires.
6. Construire un régime climatique international plus inclusif
Nous attendons avec impatience que le Canada poursuive son rôle de chef de file pour la finalisation de la plateforme des savoirs locaux et autochtones ainsi que pour la concrétisation du plan d’action pour l’égalité entre les sexes. Nous remercions le Canada pour son action continue de défense et de soutien à une forte participation des organisations de la société civile à la CCNUCC.